Les bijoux - WE ARE CLEAN - CLEAN FASHION

Les Bijoux haut de gamme redorent leur image

Quiconque a vu un jour les photographies prises en 1986 par Sebastião Salgado dans la mine d’or de Serra Pelada, dans l’État du Pará, au Brésil, ne peut plus regarder ses bijoux de la même façon. Illustrant la servitude moderne et les conditions de travail dans ces immenses mines aurifères, ces photos marquent à jamais. Et l’on peut dire la même chose des diamants, bien moins glamour après avoir vu le film Blood Diamond (avec Leonardi di Caprio, sorti en 2006) que Breakfast at Tiffany’s (avec Audrey Hepburn).

L’exploitation minière des pierres et des métaux précieux peut avoir des conséquences catastrophiques sur l’environnement et l’humain. C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années, les grandes marques de joaillerie et de nouveaux entrants sur le marché, avec l’appui des confédérations des professions et des ONG, tentent de nettoyer cette industrie, en choisissant des fournisseurs qui ont modifié leur mode de production et assurent une meilleure traçabilité.

L’or, une extraction aux sombres conséquences

Une extraction coûteuse en ressources naturelles

2500 tonnes d’or par an sont traitées pour faire des bijoux. Or, l’extraction aurifère fait partie des activités les plus polluantes et nécessite de larges quantités de minerais pour de faibles résultats. Selon l’ARM (Alliance for Responsible Mining), pour extraire 20g d’or, 70 tonnes de matière sont retournées dont 50 tonnes de terre, consommant 50 000 litres d’eau, et relâchant 430kg de CO2, sans parler du mercure et du cyanure utilisés comme solvants pour l’extraction dans les mines industrielles qui fournissent 90% du marché.

Extrêmement polluante et destructrice

Les plus grandes mines d’or déverseraient jusqu’à 1.900 tonnes de cyanure par an dans l’environnement. Ces pratiques engendrent une pollution des rivières et la destruction d’écosystèmes entiers.

Les conséquences peuvent être tout aussi désastreuses lorsque les bassins de rétention des eaux contaminées cèdent, comme en Roumanie en janvier 2000 ou au Brésil en 2015. En 2019, la rupture d’un barrage au Brésil a provoqué un tsunami de boue toxique (minerai de fer), qui a inondé la région du Minas Gerais en causant plusieurs morts et une catastrophe écologique.

En Guyane, le projet de la Montagne d’or – en plein cœur de la forêt primaire d’Amazonie – devait lui aussi utiliser la technique du bassin de rétention. Ce projet prévoyait l’exploitation de la plus grande mine à ciel ouvert française à partir de 2022. En mai 2019, l’exécutif a jugé le projet de mine Montagne d’or incompatible avec les exigences environnementales de la France.

Reste que le rejet du projet de Montagne d’or ne règle pas le problème de l’orpaillage illégal. La Gendarmerie estime à 10 000 les orpailleurs clandestins sur 500 sites. Pour séparer les paillettes d’or de la boue, ils utilisent du mercure dont une partie se répand dans la nature.

Et socialement impactante

L’utilisation de composants chimiques a aussi un impact sur les travailleurs et les populations locales. Les premiers sont au contact direct des produits toxiques, les deuxièmes subissent la pollution de leurs ressources naturelles. Ainsi, des villages d’Afrique, situés autour d’exploitations minières artisanales, sont directement touchés : la culture et la pêche ne peuvent plus être pratiqués.

Enfin, les conditions de travail posent un problème : travail des enfants, structures non sécurisées, bas salaires.

Des labels pour un or propre : Fairmined, Fairtrade

Parmi les labels développés pour un or plus éthique, deux se détachent : Fairmined, délivré par une ONG colombienne, et Fairtrade lancé par la fondation suisse Max Havelaar. Ces labels garantissent une traçabilité de l’or, avec des conditions d’extraction qui limitent, voire suppriment, l’utilisation de produits chimiques nocifs. Il s’agit aussi de respecter le droit du travail au sein des exploitations, et de garantir des salaires dignes, même au sein des petites exploitations artisanales. La convention de Minamata, signée en 2013, encadre plus fermement l’utilisation du mercure pour l’extraction aurifère.Si l’or Fairmined ou Fairtrade ne génère un surcoût que de 10 à 12%, la production reste extrêmement limitée : quelques centaines de kilos par an, alors que la production mondiale d’or est de 3300 tonnes.

L’or recyclé, de plus en plus utilisé

L’or est une ressource qui s’épuise, et dont les stocks sont limités. Or, on estime qu’il y a suffisamment d’or déjà extrait pour subvenir aux besoins de l’industrie joaillière des 50 prochaines années. Aussi, les joailliers soucieux de traçabilité ont surtout recours à de l’or recyclé et aux acteurs certifiés par l’organisme “RJC” (Responsible Jewellery Council), qui a développé une norme de référence pour toute la chaîne d’approvisionnement.

Cet or recyclé ne génère quasiment pas de surcoût, et c’est aussi un or qui a déjà eu une vie, sous forme de bijou ou à l’intérieur d’un composant électronique. Depuis le 1er janvier 2016, il n’est plus possible de recycler directement l’or des particuliers, l’opération doit faire l’objet d’un rachat d’or avant de pouvoir l’utiliser dans la fabrication du nouveau bijou. Le cours de reprise de l’or inclut alors les coûts liés à son affinage pour lui rendre son état pur d’origine avant de s’en servir pour créer un nouvel alliage.

Les diamants, une traçabilité facilitée par la concentration du secteur

La fin des « Blood diamonds »

Les diamants de la guerre sont devenus un sujet alarmant avec la guerre civile en Angola à partir des années 70 puis avec le conflit en Sierra Leone à la fin des années 90. Des ONG avaient alors découvert comment des groupes rebelles, l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) et le Front Uni Révolutionnaire (RUF) en Sierra Leone finançaient leurs raids sanglants grâce à l’extraction de diamants dans des mines dont ils avaient pris le contrôle.

En mai 2000, sous l’impulsion de l’ONU, un sommet associe les pays producteurs qui souhaitent y adhérer (ses adhérents représentent désormais plus de 99% de la production mondiale de diamants), l’industrie du diamant et des ONG dans la ville minière de Kimberley, en Afrique du Sud. Ce sommet initie, alors, le Processus de Kimberley, conclu en 2003 qui établit un système de certification traçant l’origine et garantissant – en théorie – qu’aucun diamant brut ne soit un « diamant de la guerre ». En Suisse, l’Union de la bijouterie et de l’orfèvrerie suisse (UBOS) a développé, en 2006, un code de conduite à l’intention des négociants. D’autres systèmes de vérification et de traçabilité existent : Forevermark pour bien distinguer les diamants naturels, non traités, et provenant de lieux sans conflits, et Everledger, un registre sécurisé qui établit la chaîne d’approvisionnement de chaque gemme avec une certification stricte dans un coffre numérique.

Une régulation favorisée par la concentration

Deux faits ont permis au Processus de Kimberley de s’implanter fortement.

Le diamantaire belge De Beers qui, à la fin des années 90, occupait une position quasi monopolistique sur le marché. Ce dernier produisait environ 45% des diamants et vendait près de 80% de la production mondiale, ce qui lui attribuait un rôle de régulateur important. Et le fait que les diamants transitent toujours par quelques bourses bien connues, la plus importante étant à Anvers (encore 50% de la production mondiale), devant Tel Aviv, New York et Londres.

Un impact environnemental fort

Il est important car le secteur a besoin d’espace, de beaucoup d’eau et d’énergie. Si la quantité de produits polluants utilisée dans le processus de traitement de la pierre est presque insignifiante -surtout en comparaison avec l’or – le diamant pèse sur l’environnement. Creuser une fosse du volume de 26 000 piscines olympiques – comme c’est le cas pour la mine Victor, à Attawapiskat, dans le Grand Nord canadien, exploitée par De Beers – n’est pas anodin pour l’équilibre d’un écosystème. Mais depuis 15-20 ans, en plus du processus de Kimberley, les diamantaires ont fait des progrès importants en matière de pratiques responsables et transparentes.

L’étude commandée à Trucost, une filiale de S&P Global, par la Diamond Producers Association (DPA), organisme qui représente 75 % de la production mondiale, décortique l’impact sur la nature de ces grandes mines de diamants au Canada, au Botswana, en Australie ou en Russie.

Selon ce rapport, les activités des sociétés minières des producteurs de diamants naturels ont émis en moyenne 160 kilogrammes de dioxyde de carbone (CO2) pour 1 carat de diamant produit en 2016. Ils assurent payer leurs mineurs, issus de la population locale, 66% de plus que le salaire local et investir dans des programmes sociaux et d’éducation. Le rapport reconnaît cependant que, pour réduire l’impact environnemental, le secteur devra adopter davantage les énergies renouvelables, augmenter le recyclage des déchets miniers produits sur les sites, et continuer à améliorer la sécurité.

Les pierres précieuses, difficiles à « nettoyer »

 Les pierres précieuses - CLEAN FASHION - WE ARE CLEAN

Un secteur éclaté, difficile à réguler

En ce qui concerne les pierres précieuses de couleur, la problématique est différente. Si l’industrie travaille pour établir des normes internationales, le défi réside dans la façon dont la grande majorité des pierres précieuses colorées sont extraites. L’exploitation minière des pierres précieuses colorées est à plus petite échelle par rapport aux diamants – 47 pays sont concernés – et il pourrait y avoir jusqu’à 30 millions de mineurs artisanaux, dont environ 2 millions d’enfants. Elle est aussi liée dans certains pays, notamment la Colombie, au financement de conflits. De plus, la rareté des rubis et des émeraudes rend difficile l’identification de sources commercialement viables et une production à grande échelle quasi impossible. Une réglementation des méthodes de travail dans les mines est donc compliquée à mettre en place

Un essai d’encadrement

En 2010, L’Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice (UNICRI), en coopération avec l’Institut international de Justice de Vienne et l’International
Colored Gemstones Association, a créé un partenariat public-privé afin d’améliorer la transparence, la réglementation, les conditions de travail et la durabilité dans la chaîne d’approvisionnement des pierres précieuses de la mine aux marchés d’exportation. Parmi les marques participant à cette initiative, on trouve Cartier, Bulgari, Dior, Tiffany & Co., Gemfields et des pays comme le Myanmar (Birmanie), le Kenya, la Colombia, le Brésil, Madagascar, le Mozambique, le Sri Lanka et la Tanzanie, de nombreux autres étant invités à les rejoindre

Les pierres de synthèse, la solution ?

Des structures identiques

Face à la raréfication des ressources naturelles, mais aussi et surtout, à la demande des plus jeunes, plus soucieux des questions environnementales, mais aussi du prix, la demande en pierres de synthèse a fortement augmenté ces dernières années.

Les diamants artificiels ne sont pas nouveaux. Le processus de fabrication des pierres artificielles trouve ses prémices au début du 20ème siècle, mais leur arrivée sur le marché de la bijouterie est plus récente. Si les diamants des mines sont le résultat de milliers d’années de processus naturel, ceux provenant de laboratoires sont créés en quelques semaines à peine. Fabriqués à base de carbone, ils affichent la même structure, les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et optique, les mêmes dureté et brillance que des diamants traditionnels, mais ils ont moins d’impact sur la nature. Les diamants synthétiques certifiés se négocient 40 % moins cher.

  • En France, le Joaillier Courbet est le spécialiste, avec en ligne de mire les Millenials, plus sensibles aux conditions d’extraction des pierres naturelles.
  • En 2018, le numéro 1 mondial du diamant De Beers a aussi choisi de miser sur les diamants synthétiques à travers sa marque Lightbox Jewelry lancé aux Etats-Unis à des prix beaucoup plus abordables, tout en poursuivant son exploitation des pierres naturelles au sein de la Diamond Producers Association (DPA).
  • Il y a quelques années, Pomellato avait été précurseur en sortant la collection « Rouge Passion » avec des pierres de synthèse écarlates.
  • Swarowski a dévoilé une ligne de joaillerie fine à base d’or blanc éthique péruvien et de diamants de culture,
  •  Le Danois Pandora a décidé en mai 2021 renoncer aux diamants des mines au profit de ceux de synthèse

Un bilan discuté

L’étude de Trucost révélait que les émissions de gaz à effet de serre des pierres de synthèse sont estimées à 511 kilogrammes de CO2 pour 1 carat de diamants, soit 3 fois plus qu’un diamant naturel. La pierre de synthèse n’exploite pas la nature, mais a besoin d’une quantité d’énergie très importante pour sa production. D’où une controverse lancée par l’industrie du diamant naturel.

Car si certains fabricants commencent à utiliser les énergies renouvelables notamment en Californie, ce n’est pas le cas en Inde ou en Chine, où les énergies fossiles priment largement. Et Courbet, qui se présente comme un “joaillier écologique”, revendique un bilan carbone négligeable, grâce à une énergie d’origine nucléaire en France, solaire aux Etats-Unis et hydraulique en Russie. Les deux camps n’ont pas fini de s’opposer.

Des marques qui s’engagent

Tous les grands joailliers ont désormais mis de l’ordre dans leurs collections, challengés par des nouveaux venus

Les grands joailliers transparents

  • Chopard a lancé en 2013 sa collection Green Carpet, la première ligne de joaillerie haut de gamme avec de l’or Fairmined et des pierres éthiques, et l’a généralisé à tous ses bijoux en 2018, s’engageant à acquérir son métal précieux auprès de fournisseurs responsables, répondant aux meilleurs standards environnementaux et sociaux, des artisans de petites communautés minières rattachées à des organisations officielles, via les programmes Fairmined et Fairtrade, ou d’une raffinerie de la filière Responsible Jewellery Council (RJC).
  • Chez LVMH, toutes les marques du secteur d’activité montres & joaillerie (Bvlgari, Tiffany & Co., Chaumet, Fred, Dior, Hublot, Tag Heuer) sont certifiées RJC. En 2017, 98,5 % des diamants achetés étaient certifiés RJC.
  • Bulgari a obtenu en 2015 la certification Chain of Custody mise en place par le RJC pour l’or
  • Le groupe Cartier (groupe Richemont) soumet tous ses achats de diamants au système de Garanties du processus de Kimberley depuis 2003 et a été certifié dès 2011 par le Responsible Jewellery Council (RJC).
  • Le groupe Kering (Boucheron, Pomellato, Dodo, Gucci), lui, a pour objectif d’atteindre 100 % d’or responsable d’ici à 2025, provenant de plusieurs sources éligibles qui combinent l’or certifié Chain of Custody du RJC avec de l’or provenant de mines artisanales certifiées Fairmined ou Fairtrade. Ou encore provenant de mines ayant banni l’utilisation du mercure dans leurs procédés d’extraction
  • Voulant aller plus loin que l’approvisionnement, La Maison Cartier, Kering et le Responsible Jewellery Council ont lancé en octobre 2021 la Watch and Jewellery Initiative 2030, qui réunit des acteurs du secteur de l’horlogerie et de la joaillerie désireux de s’engager sur un ensemble d’objectifs ambitieux et communs dans trois domaines : renforcer la résilience climatique, préserver les ressources et favoriser l’inclusion.

Les nouvelles marques :

De nombreuses marques émergent, qui favorisent circuit court, up-cycling, recyclage, savoir-faire artisanal. Dans la lignée du Britannique Cred, pionnier dès 1996, avec de l’or Fairmined et Fairtrade et des pierres recyclées, on peut citer en France : JEM (Jewellery Ethically Minded, or Fairmined), mais aussi Douze Paris (or recyclé, pierres authentifiées), DFLY (diamants de synthèse et or recyclé 18K), Courbet (or recyclé et diamants de synthèse), Héloïse & Abélard (or recyclé et diamants de seconde main), Elise Tsikis (or 24k recyclé, circuit court et maîtrisé). Pour n’en citer que quelques-unes.

En matière de joaillerie, les conflits dans les pays où se situaient les gisements ont provoqué un déclic dès les années 1990, menant à une meilleure réglementation sur la provenance et la traçabilité. Ils ont permis à ces industries d’engager assez tôt un tournant vers une politique durable, éthique, sociale et environnementale, renforcée par les exigences d’une nouvelle génération de consommateurs du luxe. Reste que les exploitations minières, même mieux encadrées, dénaturent les sols et bouleversent le paysage durablement.

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